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L'ARGUMENTATION DANS LA LITTÉRATURE ENGAGÉE
30 avril 2014

LEÇON 3: L'engagement de la jeunesse

Zola_Leandre

Émile Zola, Lettre à la jeunesse, 1897 

En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus est accusé d’avoir livré des secrets aux Allemands, et condamné au bagne à l’issue d’une procédure judiciaire défectueuse et violente. Or, il est juif, et l’antisémitisme se déchaîne contre luis dans des campagnes de presse passionnelles.

Cette lettre paraît en trochure le 14 décembre 1897. Devant l’inefficacité des preuves de l’innocence de Dreyfus, Zola se tourne vers l’opinion publique, notamment vers la jeunesse.

                                                     

 

 

 

 

Ô jeunesse, jeunesse ! Je t'en supplie, songe à la grande besogne qui t'attend. Tu es l'ouvrière future, tu vas jeter les assises de ce siècle prochain, qui, nous en avons la foi profonde, résoudra les problèmes de vérité et d'équité, posés par le siècle finissant. Nous, les vieux, les aînés, nous te laissons le formidable amas de notre enquête, beaucoup de contradictions et d'obscurités peut-être, mais à coup sûr l'effort le plus passionné que jamais siècle ait fait vers la lumière, les documents les plus honnêtes et les plus solides, les fondements mêmes de ce vaste édifice de la science que tu dois continuer à bâtir pour ton honneur et pour ton bonheur. Et nous ne te demandons que d'être encore plus généreuse, plus libre d'esprit, de nous dépasser par ton amour de la vie normalement vécue, par ton effort mis entier dans le travail, cette fécondité des hommes et de la terre qui saura bien faire enfin pousser la débordante moisson de joie, sous l'éclatant soleil. Et nous te céderons fraternellement la place, heureux de disparaître et de nous reposer de notre part de tâche accomplie, dans le bon sommeil de la mort, si nous savons que tu nous continues et que tu réalises nos rêves.

Jeunesse, jeunesse ! Souviens-toi des souffrances que tes pères ont endurées, des terribles batailles où ils ont dû vaincre, pour conquérir la liberté dont tu jouis à cette heure. Si tu te sens indépendante, si tu peux aller et venir à ton gré, dire dans la presse ce que tu penses, avoir une opinion et l'exprimer publiquement, c'est que tes pères ont donné de leur intelligence et de leur sang. Tu n'es pas née sous la tyrannie, tu ignores ce que c'est que de se réveiller chaque matin avec la botte d'un maître sur la poitrine, tu ne t'es pas battue pour échapper au sabre du dictateur, aux poids faux du mauvais juge. Remercie tes pères, et ne commets pas le crime d'acclamer le mensonge, de faire campagne avec la force brutale, l'intolérance des fanatiques et la voracité des ambitieux. La dictature est au bout

Jeunesse, jeunesse ! Sois toujours avec la justice. Si l'idée de justice s'obscurcissait en toi, tu irais à tous les périls. Et je ne te parle pas de la justice de nos codes, qui n'est que la garantie des liens sociaux. Certes, il faut la respecter, mais il est une notion plus haute, la justice, celle qui pose en principe que tout jugement des hommes est faillible et qui admet l'innocence possible d'un condamné, sans croire insulter les juges. N'est-ce donc pas là une aventure qui doive soulever ton enflammée passion du droit ? Qui se lèvera pour exiger que justice soit faite, si ce n'est toi qui n'es pas dans nos luttes d'intérêts et de personnes, qui n'es encore engagée ni compromise dans aucune affaire louche, qui peux parler haut, en toute pureté et en toute bonne foi ?

Jeunesse, jeunesse ! Sois humaine, sois généreuse. Si même nous nous trompons, sois avec nous, lorsque nous disons qu'un innocent subit une peine effroyable, et que notre coeur révolté s'en brise d'angoisse. Que l'on admette un seul instant l'erreur possible, en face d'un châtiment à ce point démesuré, et la poitrine se serre, les larmes coulent des yeux. Certes, les gardes-chiourme restent insensibles, mais toi, toi, qui pleures encore, qui dois être acquise à toutes les misères, à toutes les pitiés ! Comment ne fais-tu pas ce rêve chevaleresque, s'il est quelque part un martyr succombant sous la haine, de défendre sa cause et de le délivrer ? Qui donc, si ce n'est toi, tentera la sublime aventure, se lancera dans une cause dangereuse et superbe, tiendra tête à un peuple, au nom de l'idéale justice ? Et n'es-tu pas honteuse, enfin, que ce soient des aînés, des vieux, qui se passionnent, qui fassent aujourd'hui ta besogne de généreuse folie ?

- Où allez-vous, jeunes gens, où allez-vous, étudiants, qui battez les rues, manifestant, jetant au milieu de nos discordes la bravoure et l'espoir de vos vingt ans ?

- Nous allons à l'humanité, à la vérité, à la justice !

Lettre complète : 

http://www.bmlisieux.com/archives/letjeuns.htm

 

Vocabulaire

Un amas = une accumulation.  Ex. « Amasser une grande connaissance »

Sabre = sable

Une besogne = un travail, une tâche

Gardes-chiourme = gardes-merde

Moisson = récolte

Châtiment = punition

 

LECTURE


1. Par quelles expressions Zola désigne-t-il ses destinataires ? Sur quel ton s’adresse-t-il à eux ?

2. Quelles qualités Zola associe-t-il à la jeunesse ? À travers quel lexique et quelles connotations sont-elles mises en valeur ? Dans quel but ?

3. Zola oppose-t-il vraiment deux générations ? Si non, à qui ou à quoi oppose-t-il plutôt la jeunesse ?

4. Quel rôle jouent les phrases interrogatives dans l’argumentation ?

5. Quel registre l’auteur exploite-t-il pour toucher ses lecteurs ?

6. Qu’est-ce que désigne le pronom « nous » ? Pourquoi Zola l’emploie-t-il ?

7. Pourquoi la dernière phrase du texte est-elle frappante ? Qui prononce cette conclusion ?

 

 ANALYSE

La lettre ouverte est une lettre qu’a comme destinataire l’opinion publique et comme objectif la mobilisation du grand publique. Il cherche l’indignation en révélant un scandale politique. 

L’auteur s’appuie sur le positivisme. Il dépasse le réalisme avec le Naturalisme : la nature peut être belle.

 

L’émetteur ­­––––– MESSAGE =====>  Destinataire : l’opinion publique, spécialement les jeunes.

                               /

            (Dénoncer l’injustice et mobilisation)

 =>convaincre et persuader

 

STRUCTURE DE LA LETTRE

I) Description de la jeunesse et de la mission (1er paragraphe)

II) Rétrospective vers le passé et regard vers le futur.

III) Inciter le lecteur à s’engager à l’action de la justice.

 => un raisonnement

 

THÈSE : La jeunesse doit être le véhicule de la justice et de la vérité.

 Vérité et Justice = valeurs absolues et universels

Pourquoi Zola utilise-t-il ces valeurs ?

 - Parce ce sont des valeurs qui nous concernent et nous mobilisent à tous. En appelant à ces valeurs Zola arrive à impliquer le lecteur, à lui faire sentir quelque chose.

 Est-ce que c’est étique de persuader ?

 

- Comment Zola désigne-t-il la jeunesse ?

- « Ô jeunesse, jeunesse ! » ­­– Anaphore et le Vocatif “Ô”

À travers le rythme binaire, les anaphores, et le vocatif, l’écrivain implore la jeunesse de l’écouter.

- « Ouvriers du futur » ­– métaphore de la construction

- « Tu » ­– deuxième personne du singulier

- Utilisation de l’impératif : « souviens-toi », « sois humaine/ sois généreuse »…

- Métaphore d’une plante : fécondité, terre, moisson, soleil, pousser,…

=> La Jeunesse est l’espoir d’un pays.

Il souhaite persuader les jeunes à l’engagement.

_____________

LA PERSUASION – procédé d’argumentation qui appelle aux sentiments des lecteurs pour les convaincre.

Outils courants de la persuasion :

-        Questions rhétoriques (« Qui donc si c’est ne toi ?) pour mobiliser le destinataire

-        S’adresser directement aux lecteurs : vous, toi

-        Rythme binaire

-        Vocatif

-        Impératif

-        Valeurs communes

-        Argumentes totalement opposés : Adhésion complète, Le rejet

 

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Commentaires
E
bonjour, pourquoi avoir simplement utilisés les lettres grecques en écrivant en francais ? assumons notre coté helleniste et travaillez votre Thème en grec ancien ^^
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