Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'ARGUMENTATION DANS LA LITTÉRATURE ENGAGÉE
30 avril 2014

LEÇON 4 - Première partie: La force de suggestion des images

camus

ALBERT CAMUS, La Peste (1947)

Le roman se présente comme un chronique tenue par le Dr Rieux, médecin à Oran, dans les années 1940. Après avoir vu des rats agoniser il doit traiter des malades atteints de ce qui paraît être un épidémie de peste. Ce mot terrible vient d’être prononcé pour la première fois, plongeant le médecin la perplexité.

Extrait I

Le docteur regardait toujours par la fenêtre. D’un côté de la vitre, le ciel frais du printemps, et de l’autre côté le mot qui résonnait encore dans la pièce : la peste. Le mot ne contenait pas seulement ce que la science voulait bien y mettre, mais une longue suite d’images extraordinaires qui ne s’accordaient pas avec cette ville jaune et grise, modérément animée à cette heure, bourdonnante plutôt que bruyante, heureuse en somme, s’il est possible qu’on puisse être à la fois heureux et morne. Et une tranquillité si pacifique et si indifférente niait presque sana effort les vieilles images du fléau, Athènes empestée et désertée par les oiseaux, les villes chinoises remplies d’agonisants silencieux, les bagnards de Marseille empilant dans des trous les corps dégoulinants, la construction en Provence du grand mur qui devait arrêter le vent furieux de la peste, Jaffa et ses hideux mendiants, les lits humides et pourris collé à la terre battue de l’hôpital de Constantinople, les malades tirés avec des crochets, le carnaval des médecins masqués pendant la Peste noir, les accouplements des vivants dans les cimentiers de Milan, les charrettes de morts dans Londres épouvanté, et les nuits et les jours remplis, partout et toujours, du cri interminable des hommes. Non, tout cela n’était pas encore assez fort pour tuer la paix de cette journée. De l’autre côté de la vitre, le timbre d’un tramway invisible résonnait tout d’un coup et réfutait en une seconde la cruauté et la douleur. Seule la mer, au bout du damier terne des maisons, témoignait de ce qu’il y a d’inquiétant et de jamais reposé dans le monde. Et le docteur Rieux, qui regardait le golfe, pensait à ces bûchers dont parle le Lucrèce et que les athéniens frappés par la maladie élevaient devant la mer. On y portait les morts durant la nuit, mais la place manquait et les vivants se battaient à coups de torches pour y placer ceux qui leur avaient été chers, soutenant des luttes sanglantes plutôt que d’abandonner leurs cadavres. On pouvait imaginer les bûchers rougeoyants devant l’eau tranquille et sombre, les combats des torches dans la nuit crépitante d’étincelles et d’épaisses vapeurs empoisonnées montant vers le ciel attentif. On pouvait craindre…

Mais ce vertige ne tenait pas devant la raison. Il es vrai que le mot de « peste » avait été prononcé, il est vrai qu’à la minute même le fléau secouait et jetait à terre un ou deux victimes. Mais quoi, cela pouvait s’arrêter. Ce qu’il fallait faire, c’était reconnaître clairement ce qui devait être reconnu, chasser enfin les ombres inutiles et prendre les mesures qui convenaient. Ensuite la peste s’arrêterait parce que la peste ne s’imaginait pas ou s’imaginait faussement. Si elle s’arrêtait, et c’était le plus probable, tout irait bien. Dans le cas contraire, on saurait ce qu’elle était et s’il n’y avait pas moyen de s’en arranger d’abord pour la vaincre ensuite.

Le docteur ouvrit la fenêtre et le bruit de la ville s’enfla d’un coup. D’un atelier voisin montait le sifflement bref et répété d’une scie mécanique. Rieux se secoua. Là était la certitude, dans le travail de tous les jours. Le reste tenait à des fils et à des mouvements insignifiants, on ne pouvait s’y attêter. L’essentiel était de bien faire son métier.

Albert Camus, La Peste, 1947. Editions Gallimard, coll. Folio, 2010, p. 43-44

Vocabulaire :

-        crochets - Attache mobile recourbée servant à fixer ou à suspendre quelque chose.

-        morne - ennuyé, sans enthousiasme 

-        bourdonnant => bourdonner /bzzz/ - bourdon= abejón     *avoir le bourdon ≈ avoir le cafard

-        Le Fléau – maladie biblique

 

1. Trouvez les outils qui aident le narrateur à décrire la Peste.

 

Discours descriptif dominant. Le narrateur rentre dans un état d’introspection et laisse libre cours à son imagination.

            - Utilisation de l’imparfait : rythme ralenti. Temps de la description

            - Adjectives/ Compléments du nombre – décrire uniquement la peste

            - Réseau des mots qui donne la même vision de la peste

~       La mort/La dévastation : fléau, empestée, déserté, pourri

~       Le dégoût et la peur : crochet, médecin masqué, épouvante, les charrettes des morts, empiles les corps dégoulinants, cimentière

- Propositions Subordonnés Relatives : « …du grand mur qui devait arrêter les vents… 

 

Image apocalyptique de la peste=> C’est une allégorie de l’occupation Nazi.

 

- « Mais ce vertige ne tenait pas devant la raison » PHRASE DÉCLARATIVE    –  Suivre sa vie quotidienne, sa routine.

 La thèse du narrateur : céder à l’horreur ou s’engager à travers une lutter quotidienne pour arriver à la victoire.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
L'ARGUMENTATION DANS LA LITTÉRATURE ENGAGÉE
Publicité
Archives
Publicité